La France vassale

Publié le par Thierry GOBET

La formule est brutale et indigeste, mais les faits la confirment malheureusement de façon indubitable. Une succession de désastres historiques, financiers et économiques, de traités et d’accords, tant de nos politiques, qu’entérinés par le peuple, ont conduit inéluctablement à cette situation douloureuse que l’on feint d’ignorer tant en haut lieu que parmi la population.

-La Ie Guerre Mondiale, victoire à la Pyrrhus de la France, sortie meurtrie du conflit, a fait de notre pays le grand débiteur des USA (Banque fédérale et banques privées, avec caution de l’Etat fédéral) qui en profitèrent pour imposer leurs vues aux pays d’Europe, en particulier à travers les fameux 14 Points de Wilson(1). «La France a fait appel aux USA et elle le paiera cher », avait alors déclaré Ph.Berthelot, Secrétaire général du Quai d’Orsay.

-La IIe Guerre Mondiale et l’écrasement de la France par l’Allemagne en quelques semaines, sous un Gouvernement de gauche, va marquer de façon définitive le retrait de notre pays en tant que grande puissance, suivi par celui de l’Angleterre lors de l’affaire de Suez en 1956, où la France allait être à nouveau humiliée, ici par ses «Alliés» américains.

Toute la politique française d’après-Guerre va être ponctuée, quels que fûssent les Gouvernements en place, par une dépendance et un suivisme à l’égard des USA, ainsi que par des abandons de souveraineté au profit, directement ou indirectement, de la superpuissance d’outre-atlantique : Accords de Bretton-Woods en 44 instituant le $ -gagé sur l’or jusqu’en 71- comme seule monnaie de référence internationale ; Accords Blum-Byrnes en 46 ; Plan Marshall en 47 ; entrée de la France dans l’OTAN en 49 ; décolonisation avec perte de l’Indochine en 54 sous Mendes-France (ancien gérant-associé de la banque Lazard), abandon, malgré la défaite militaire du FLN, de l’Algérie en 62, dont les USA contrôlent aujourd’hui 90 % des hydrocarbures.

Cette perte de souveraineté nationale au profit des Américains, mais pas seulement eux, va s’accélérer de façon brutale après deux évènements majeurs : la crise pétrolière de 74 et 78 et l’arrivée au pouvoir des socialo-communistes en 81 avec F.Mitterrand.

-L’institution de la Zone € en 99 abolissait le droit régalien de battre monnaie -et donc d’agir sur celle-ci- dès lors dévolu à la BCE à Francfort, dont le Président actuel M.Draghi est l’ancien dirigeant de la banque d’affaires Goldman Sachs pour l’Europe. Une partie importante de nos réserves d’or a été transférée à plusieurs reprises sous la Droite entre 2004 et 2009 dans les coffres de la BCE, qui, depuis lors, a cédé une part importante de ses réserves à des puissances étrangères à l’Europe.

-Traité de Maastricht en 92 stipulant (art.J.4-4) que la politique étrangère de chaque pays doit être en accord avec celle de l’OTAN, c’est-à-dire soumise à la politique étrangère américaine. On se souvient de la campagne américaine éhontée contre la France lors de la IIe Guerre du Golfe en 2003, face à l’attitude ferme du Président Chirac lorsque les Américains ont violé et la Constitution et le résultat des votes du Conseil de Sécurité de l’ONU opposés à l’intervention, dont celui de l’Allemagne.

Lorsque Poutine a rencontré Hollande à Paris en juin 2014, un journaliste lui ayant demandé si la question des missiles avait été abordée, il répondit que la France ne possédant plus d’indépendance militaire, cette question ne pouvait être abordée qu’avec le Président des USA…

Le Traité de Maastricht stipule que le droit européen prime sur le droit des nations. Ainsi un pays, qui, après référendum, choisirait de limiter les flux migratoires, ne le pourrait pas, en contradiction avec Bruxelles. On se souvient de l’opposition violente en 2010 du commissaire, la luxembourgeoise V.Reding, contre Sarkozy, lors de l’affaire des Roms.

Cette soumission au diktat de Bruxelles, infiltré par les USA, a eu pour conséquence l’interdiction par les commissaires européens -en l’occurrence deux Anglais- que le russe Severstal s’associe au géant français et européen de l’acier Arcelor, en mauvaise situation financière. Celui-ci allait être racheté par l’anglo-indien L.Mittal en 2006 et être délocalisé aux USA. (2) Par la suite, les commissaires n’allaient pas s’opposer, par contre, à l’entrée de pays du Golfe dans le capital de l’entreprise nucléaire Areva.

Plus récemment, la soumission de l’Europe aux USA a eu pour conséquence l’embargo à destination de la Russie, déplorable sur les plans, économique pour les entreprises (1 M d’emplois rien qu’en Allemagne !) et diplomatique. Ainsi, la non-livraison des navires Mistral payés à la Russie, non seulement a constitué un manque à gagner pour notre industrie d’armement, 4e du monde, mais a révélé un manque de fiabilité de nos engagements à l’étranger et donc de reconnaissance en tant que puissance souveraine.

Quant au fameux Pacte Transatlantique -auquel la Chancelière Merkel s’est d’abord opposée- les lourdes pénalités encourues par les banques et les entreprises françaises (BNP Paribas, Peugeot), en faveur des USA, donnent un aperçu des sombres perspectives d’avenir… On remarquera que l’Europe n’a pas porté plainte, ni demandé de dédommagements, face à la responsabilité reconnue de certains banquiers américains à l’origine de la grande crise financière de 2008.

Indépendamment des accords au niveau européen, notre pays, suite à la gestion catastrophique de ses gouvernements depuis 81, a perdu son indépendance financière (70% de la dette publique appartient aux étrangers -dont l’Arabie Saoudite- contre 30% pour l’Italie et 10 % pour le Japon ; 65 % du CAC 40 appartient également aux étrangers).

Ainsi Renault appartient majoritairement à des actionnaires étrangers et, après délocalisations, n’emploie plus que 15 % de Français. Certains d’entre eux seraient en droit de se révolter. Il ne s’agit malheureusement pas de ceux qui prennent actuellement la France en otage, sujet de notre prochaine tribune…

A ce titre, la proposition libérale de M. El Khomri de réformer la législation prud’hommale était inscrite dans mon ouvrage « France : les véritables enjeux » en 2013.

(1) Qui comportait les préambules de la décolonisation à venir.

(2) cf.compte-rendu détaillé de l’affaire dans T Gobet : «France, Véritables Enjeux » (J.Picollec 2013)